29-30 décembre

Kile Neumann entrain de réparer la CTD. (c)V. Sentilhes
Kyle Neumann en train de réparer la CTD. (c)V. Sentilhes

 

La sonde utilisée pour les prélèvements d’eau – appelée CTD pour «Conductivity, Temperature, Depth» – est en panne. Impossible de la renvoyer en mission dans les profondeurs puisque nous ne parvenons pas à lui ordonner la fermeture des bouteilles Niskin dont elle est équipée. Nous devrons découper le câble d’alimentation pour localiser le problème. Une fois celui-ci identifié, les travaux de soudure et de solidification des filins sont menés à bien sous les yeux exigeants de Tahlia Henri, scientifique et technicienne en poste actuellement à l’Université du Cap, en Afrique du Sud, et de Kyle Neumann. Kyle est un étudiant en doctorat à l’Université de Santa Barbara, en Californie. Son champ d’expertise est la conception de nouvelles technologies pour répondre aux questions posées par la biologie et l’écologie marine.

Le jeune homme explique volontiers son parcours, qui débute avec une enfance au milieu des voitures. Son père, garagiste de métier, lui transmet son savoir en mécanique et une habilité à concevoir et réparer. Pendant ses études, il se met à travailler pour l’industrie du film et de la télévision, en diffusion notamment pour des grandes retransmissions sportives. Il y acquiert une solide expertise en électronique.

Kyle Neuman
Kyle Neumann

Puis il reprend des études en sciences, où il rencontre un groupe de passionnés qui développent des ROVs (Remotely Operated Vehicles) pour l’exploration sous-marine. Ces ROVs sont des engins télécommandés submersibles qui permettent aux chercheurs d’observer les fonds marins dans les abysses. La qualité des images générées est impressionnante, les caméras installées sur ces appareils rivalisant avec les systèmes de captation en 4K. Un système de LED permet l’éclairage des zones les plus profondes – il faut rappeler qu’à 4000m de fond, la lumière n’est plus qu’un vaste souvenir. Ces robots téléguidés permettent l’observation de nouvelles espèces vivant dans les grandes profondeurs et offrent la possibilité aux chercheurs de mieux connaître ces écosystèmes inaccessibles en plongée classique. Kyle amène son expertise en diffusion et en électronique à ce projet. Il peut se targuer de sa réussite, leurs plongées étant retransmises en Live! Ce qui signifie que, durant une de leurs expéditions, le public peut suivre les découvertes des chercheurs en temps réel, et même leur adresser des questions sur le contenu des images. Cette technologie au service de la science, qui la rend engageante et participative, est définitivement une des belles avenues à poursuivre pour la communication scientifique.

Vous pouvez imaginer que l’expertise de Kyle est donc très précieuse sur le bateau. Nous devons être capables de réparer le matériel que nous avons à bord à partir de nos connaissances et de nos outils à disposition. Lorsque le complexe réseau de câbles permettant la communication avec la CTD se brise, il faut pouvoir réparer, sinon l’appareil devient inutilisable. Notre expédition est unique, parce que notre parcours est unique. Nous devons par tous les moyens possibles arriver à échantillonner les eaux que nous traversons. Une première réparation par l’équipage russe est proposée par Yurii, notre technicien en chef russe. Mais cette réparation subit une deuxième dégradation. Il faudra la refaire. La tension sur le câble dont il est question est forte, l’information doit passer, et il constitue le fil qui retient la CTD. Il n’est pas question qu’il se détache à 1000m, sachant que nous naviguons dans des eaux où le fond descend jusqu’à 4600m!

Essai de nuit de la CTD
Essai de nuit de la CTD. (c) V.Sentilhes

C’est alors que les talents de soudure d’Ivo Beck, étudiant en master de Science atmosphérique à l’université de Zurich seront mis à contribution. Dans le profil d’Ivo, nous pouvons admirer une fois de plus l’originalité d’un parcours qui combine les atouts de plusieurs domaines d’études. Ivo se dote d’un diplôme en Technique électronique à sa sortie du Lycée, et passe 4 ans dans ce domaine avant de se diriger vers une licence en Physique pure, où il finit par chercher sans les trouver, des applications directes. Cette quête le mène à se réorienter vers un master en Climatologie et en Science atmosphérique. Après un tour de table rapide, il est reconnu comme notre expert en soudure. L’opération débute, Kyle exécute ce que l’on appelle un Potting, et pose une sorte de colle ultra résistante qui protègera les réparations. Grâce à ce beau monde réuni autour de notre rosette, la communication avec la CTD est rétablie et nous pourrons le re-tester le soir même aux alentours de 21h.

Ivo Beck, travaillant sur du matériel électronique. (c)V.Sentilhes
Ivo Beck, travaillant sur du matériel électronique. (c)V.Sentilhes

 

Victorine Sentilhes,
journaliste embarquée avec l’ACE Maritime University.