Texte: Sarah Perrin

Photo: Sharif Mirshak

Since leaving Punta Arenas, the ship has been heading toward South Georgia Island, a 170-kilometer-long strip of land covered in mountains and glaciers. We should arrive today, Thursday. One of the researchers on the ship, Inigo Everson, is well acquainted with this island. Inigo is a marine biology specialist and honorary professor in the School of Environmental Sciences at the University of East Anglia (UK). At 75 years old, Inigo is a veritable fount of knowledge – and a keen wit. This extraordinary man first set foot on this British island in 1964 and has been back to this region around 20 times since then. Over the course of 50 years, he has spent some 80 months of his life in the Antarctic, much of it on this island but some of it on the continent too. One of the buildings at the South Georgia Island research station bears his name.

Depuis son départ de Punta Arenas, l’expédition fait route vers la Géorgie du Sud. C’est aujourd’hui, jeudi, qu’elle doit rejoindre cette bande de terre longue de 170 kilomètres, recouverte de montagnes et de glaciers. Or, parmi les chercheurs à bord, il s’en trouve un qui est un véritable expert de cette île: Inigo Everson, spécialiste en biologie marine, professeur honoraire à l’Environnemental science département de l’Université de l’East Anglia, en Grande-Bretagne. Véritable puits de science, cet homme de bientôt 75 ans, personnage hors du commun et doté d’un humour redoutable, a foulé ce territoire britannique pour la première fois en 1964. Depuis, il est retourné dans la région près d’une vingtaine de fois. En cinquante ans, il aura passé environ 80 mois de sa vie en Antarctique, en grande partie sur cette île, mais également sur le continent. L’un des bâtiments du centre de recherche basé en Géorgie du Sud a d’ailleurs été baptisé à son nom.

Inigo Everson, 75, has spent some 80 months of his life in the Antarctic/Inigo Everson, 75 ans, a passé 80 mois de sa vie dans la région antarctique.

-Inigo, what brought you to this island 50 years ago?

At the time, the waters in this region were severely overfished. South Georgia Island, with its abundance of marine life, was an obvious destination for fishing boats. So we came here to set up rules on managing and exploiting these resources. That was the purpose of the newly formed Commission for the Conservation of Antarctic Marine Living Resources, which I did a lot of work for. My task was to provide it with biological and environmental information on the marine life – their numbers and distribution throughout the region. At the time, the great blue whale population was sharply down. Fearing the same fate for the fish, I made this the focus of my research and studied the local species, how many there were, their size and growth rate and how they reproduce. Now, the rules are in place and widely obeyed.

Inigo, qu’est-ce qui vous a amené sur cette île il y a cinquante ans?

A cette époque, il y avait de sérieux problèmes de surpêche dans la région. La Géorgie du Sud, particulièrement riche en faune marine, était une cible évidente pour les pêcheurs. Il s’agissait donc d’établir une réglementation pour la gestion et l’exploitation de ces ressources. C’est dans ce but qu’a été fondée la «Commission for the conservancy of Antarctic marine living resources » (CCAMLR), pour laquelle j’ai beaucoup travaillé. J’avais pour mission de lui fournir des informations biologiques et environnementales sur les populations d’animaux marins et leur distribution dans la région. A ce moment-là, les grandes baleines bleues étaient déjà en fort déclin. Anticipant le même sort pour les poissons, j’en ai alors fait mon principal objet de recherche, étudiant les différentes espèces locales, leur nombre, taille, taux de croissance, mode de reproduction. Maintenant, les règles sont établies et en général bien respectées.

-What is it about South Georgia Island that keeps bringing you back?

Tomorrow, when you sit on the research center pier, you’ll understand immediately (wide smile)! I’ve always been attracted by the beauty of this landscape. But most of all, it’s the ideal place for the type of research I was involved in, because I could witness firsthand a complete and highly representative example of the food chain at work – from phytoplankton all the way up to whales. I also conducted in-depth studies on the biology of krill, which are prolific throughout the Antarctic region. It’s not only at the bottom of the food chain, but it’s the main food for a large number of species – fish, penguins, birds, seals and cetaceans. Learning more about krill’s role, importance and interaction with the overall Antarctic ecosystem remains one of the major scientific questions of the day, and it’s also one of the goals of this expedition.

-En quoi la Géorgie du Sud est-elle, selon vous, une région particulièrement intéressante?

Demain, si vous vous asseyez sur le ponton du centre de recherche, vous comprendrez tout de suite (large sourire)! J’ai toujours été attiré par la beauté de ces paysages. Mais surtout, c’est un endroit idéal pour le type de recherche que j’ai mené, car il donne accès à un exemple complet et très représentatif de chaîne alimentaire, du phytoplancton aux baleines, en passant par le krill. J’ai d’ailleurs mené des études poussées sur la biologie de cet animal typique de la région antarctique. Car il est non seulemement à la base de la chaîne, mais représente la nourriture de base de très nombreuses espèces: poissons, manchots, oiseaux, phoques, cétacés. Mieux en comprendre le rôle, l’importance et son interaction avec le système écologique global de l’Antarctique reste l’une des questions scientifiques majeures à ce jour, et c’est aussi l’un des buts de cette expédition.

– Now that overfishing is no longer a problem, what are the main threats to this environment?

It’s clear that climate change is greatly affecting these regions, and that human activities are making things worse.

-Has this region changed since you first came here in the 1960s?

Yes, absolutely! In the 1970s, the British Antarctic Survey began a long-term program to study Hodges Glacier, on South Georgia Island. That glacier no longer exists. And others have shrunk drastically. You can easily walk on the shoreline now, whereas before, the glaciers pushed up against the sea.

-Les problèmes de surpêche étant mieux régulés, quelles sont aujourd’hui les menaces majeures pour cet environnement?

Il est évident que le changement climatique affecte ces régions de manière significative et que les activités humaines exacerbent le problème.

-Vous qui avez connu la région dans les années 1960, en voyez-vous les effets?

Oui, absolument!  Dans les années 1070, le British Antarctic Survey a lancé un programme visant à étudier l’un des glaciers de Géorgie du Sud, le glacier Hodges, sur le long terme. Aujourd’hui, ce glacier n’existe tout simplement plus. D’autres ont drastiquement reculé. On peut maintenant facilement marcher sur des berges où, autrefois, les glaciers touchaient directement la mer.

-Why is this expedition important?

This expedition highlights new types of research that are possible today. Using very powerful tools and instruments, not only can we take samples of a huge range of things – organisms, particles, biochemical elements, etc. – but we can also analyze them in greater detail than ever before. These major advances can help us, for example, shed light on the crucial role played by organisms such as bacteria and viruses in the global environmental balance. That’s what some of the projects here are looking at – and it’s one of the things that make this expedition unique. Another is the large group of researchers from so many different fields gathered here, and most of them are still at the start of their career. The biggest leaps forward in science start with the interaction and exchange of ideas that take place in such gatherings. I hope all these young researchers will get as much enjoyment out of this work as I did.

-Qu’est-ce que cette expédition représente pour vous?

Elle montre les nouvelles sortes de recherches qui sont aujourd’hui possibles. Car nous pouvons maintenant, grâce à des outils et instruments extrêmement performants, non seulement échantillonner une gamme très vaste d’objets – organismes, particules, éléments biochimiques, etc. – mais également les analyser à des niveaux de détails encore jamais atteints. Ces progrès gigantesques permettent de mettre en lumière le rôle crucial que jouent, par exemple, des organismes tels que les bactéries et les virus dans l’équilibre environnemental global. C’est ce que démontrent plusieurs projets de cette expédition, et qui en fait l’une de ses particularités. Une autre est de rassembler un grand nombre de scientifiques de tous horizons, pour la plupart à l’aube de leur carrière. Or, les plus grands développements scientifiques naissent en général des interactions et échanges d’idées qui découlent de telles rencontres. Je souhaite en tout cas à tous ces jeunes chercheurs d’avoir autant de plaisir dans leur travail que j’en ai eu dans le mien.