La journée du 25 s’écoule rapidement au large du Portugal. Les discussions nous ramènent souvent à la richesse d’un système d’éducation bien fait, qui encourage et facilite les voyages. L’enthousiasme est partout, la sélection des personnes embarquées est très diversifiée. Le groupe se compose de physiciens océanographes, de biologistes marins, de météorologues, de chimistes, de techniciens et d’ingénieurs. Les discussions qui suivent les lectures ou visionnements de films sont fascinantes, car elles impliquent et engagent le point de vue de 49 personnes provenant de domaines totalement différents dans l’observation des changements climatiques.
Le 26 novembre, le ciel s’éclaircit mais le vent ne baisse pas. Il frappe les crêtes des vagues, qui explosent en bruines, réfléchissant en arc-en-ciel les rayons d’un soleil chaud. Ces crinières d’écumes fascinent tous les passagers, qui se retrouvent sur les ponts pour tenter de les capturer en version numérique. Nos joues sentent pour la première fois depuis le départ le changement dans ce climat. Nous nous rapprochons des tropiques!
Le soleil est là, mais la mer est toujours agitéeParibesh Pradhan, étudiant en géographie physique de l’Université de Zürich, en train de prendre des photos
Une opération de CTD (Conductivity Temperature Depth) est lancée. La CTD, c’est cet ensemble constitué de 24 bouteilles Niskin – du nom de son inventeur – qui, assemblées sur une immense rosace en métal, permettent de prélever des échantillons d’eau à différentes profondeurs. Plusieurs autres instruments sont installés, et le tout permet de mesurer la conductivité, la température, l’oxygène et la densité.
La rosette et ses 24 bouteilles.
L’équipage fournit son aide pour la manipulation des instruments.
Martin Stoffel, étudiant à l’Université de Liverpool, UK, devant la rosette.
Kile Neumann, de l’Université de Californie, en train de réparer la CTD.
Le premier test nous laissera sur notre faim puisqu’à 900m nous perdrons le contact avec la CTD. Une panique rapidement maîtrisée traverse notre équipe, la grue tire le filin d’acier et la tension nous confirme que la CTD est toujours au bout, il nous est juste impossible de communiquer avec cette dernière. Le matériel nous lance un nouveau défi, il nous faudra ruser pour trouver à bord le matériel, et le savoir-faire, pour réparer cette panne. Il est impensable de ne pas pouvoir utiliser cet outil. La grande majorité des recherches à bord nécessite les échantillonnages prélevés par la CTD. Nous devrons trouver une solution rapidement.
Le passage au-dessus du Banc du Lion nous offre un coucher de soleil superbe.
Un tournoi de ping-pong démarre et la vie sur le bateau trouve définitivement une routine qui sied à tout le monde. Les soirées nous réunissent autour d’une projection de la deuxième saison de BBC Planète Earth, et nous sommes conscients à chaque instant que nous sommes privilégiés de faire partie de ce voyage.
Tor Nystuen Jensen, étudiant à l’Université d’Oslo, observant le coucher du soleil
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Le 27 novembre – Notre routine
Alors que la nuit est noire, l’activité pour les étudiants à bord de l’Akademik Treshnikov commence dès 6 h du matin. Que ce soit pour ceux qui misent sur un accès privilégié à Internet ou d’autres courageux qui iront suer dans notre petite salle de gym, ils sont tous à la recherche d’un petit moment de solitude et de calme avant le réveil général.
Un accès au pont arrière offre chaque matin une vue à couper le souffle sur le soleil se hissant au-dessus de la mer et enflammant une jolie écharpe de nuages. Chaque matin, le paysage est différent, les vagues, les nuages et la lumière font varier les couleurs, les formes d’une façon déroutante. L’air est si pur ici.
Lever de soleil près des Iles Canaries…
A 7h30, c’est le petit-déjeuner. Le café soluble, les tartines fromage et salami, et une bonne louche de porridge. L’idéal, c’est de bien se caler pour le début de la journée. On se rend très vite compte que l’air marin creuse extrêmement! Ou est-ce plutôt le fait que tous nos muscles sont mobilisés pour maintenir l’équilibre? Quoi qu’il en soit, la grande majorité des passagers prend un plaisir affamé à arriver à l’heure précise de l’ouverture des portes du Mess Room.
8h30, c’est la fin du petit-déjeuner. Ruda et Dasha se lanceront dans la tâche de tout nettoyer pour laisser la salle propre pour les lectures qui commenceront à 9 h. Dans cette petite demi-heure de temps libre, on se réhydrate volontiers d’un autre petit café dans la salle allouée aux snacks. Cette salle est ouverte en permanence et offre une petite sélection de thés et tisanes, céréales et yaourts. Il semble que nous ayons touché un jackpot avec un partenaire de l’industrie laitière car nous avons droit à presque 4 yaourts par jour. Les journaux du matin sont remplacés par la lecture de la console d’observation marine indiquant les conditions atmosphériques du jour, la position du bateau et notre vitesse.
Entre les étudiants, l’ambiance est bonne.
Entre 9h et 11h, ce sont les lectures proposées par les scientifiques. Nous avons déjà eu l’occasion de nous pencher sur l’univers inaltérable du micro-plastique, les rugissants cyclones extratropicaux, les techniques de prélèvements.
11h30 est sonné par l’annonce quotidienne du capitaine, qui nous met rapidement au courant des missives journalières et de la météo, et la clôture en nous souhaitant un bon appétit, car c’est effectivement l’heure de passer à table pour le déjeuner. Chaque repas commence par une soupe, puis un plat. Les viandes sont partout sauf sur la table des végétariens. Pour la plupart d’entre nous, nous n’avons jamais mangé autant de viande, et si tout le monde le remarque, personne ne s’en plaint vraiment puisque la nourriture qui nous est servie est très bonne. Nous sentons la créativité et le talent des chefs-cuisiniers qui se cassent la tête pour réassortir les restes des différents repas dans une nouvelle proposition toujours alléchante.
Une demi-heure de repos jusqu’à 13 h nous permet une ballade digestive sur les ponts du bateau et de prendre le soleil. Nous approchons des îles Canaries et chacun scrute l’horizon en espérant discerner la terre au loin… Elle n’apparaîtra que bien plus tard à la nuit tombée pour un spectacle sublime où les lumières des îles principales de l’archipel des Canaries se combineront à celle de la voix lactée pour un spectacle qui nous chatouillera la rétine pendant des années encore.
Pause bienvenue sur le pont principal. L’air se réchauffe…
Ismael Kangueehi, étudiant à l’Université de Stellenbosch en Afrique du Sud.
Elyne Dugeny, étudiante à l’Université Pierre et Marie Curie, à Paris.
L’après-midi, les scientifiques embarquent un groupe de 6 étudiants dans leur recherche. Ces ateliers permettent aux étudiants de manipuler et de travailler avec différents instruments de mesure. Certaines activités spéciales comme les CTDs, ou le lancement de ballons atmosphériques viennent ponctuer ces après-midi. Les scientifiques travaillent chaque jour sur leur projet. Certains sont en poste à l’avant du bateau, comme Giuseppe Suaria, chercheur à l’Institut italien de science marine qui observe le plastique et ses dérivés. D’autres, comme Iurii Turchinovich, sont dans des conteneurs à l’avant du bateau. Anna Kozachek, Ya Juan Lin et Pablo Rodriguez Ros sont en poste dans les laboratoires du pont principal, tandis que Iris Thurnherr et Pascal Graf, étudiants en première année de PhD en science atmosphérique à l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich, sont au sommet du 4ème étage de la «superstructure» pour récolter leurs échantillons d’eau de pluie afin d’étudier les isotopes présents.
Pour un projet de l’ETH Zurich, Pascal Graf et Iris Thurnherr lance une sonde atmosphérique avec l’aide de Pike Spector, étudiant à l’Université de San Diego
A 15h30, le goûter regroupe tout le monde autour de tartines, yaourts et fruits. Puis reprennent d’autres lectures et présentations où les étudiants sont aux commandes. Les sujets proposés touchent les principes de l’océanographie, l’atmosphère et ses dynamiques, les instruments de mesure, des notions de biogéographie marine, et les possibilités offertes par l’analyse des isotopes. Il est intéressant de comprendre que nous sommes dans une communauté de scientifiques, dont le but principal est la récolte et la lecture des résultats obtenus selon un protocole extrêmement précis. Tous ces différents domaines convergent afin de démontrer de manière très factuelle l’impact des changements climatiques.
En fin d’après-midi, les quartiers libres nous laissent le bonheur de jongler avec Internet ou de continuer les discussions en maillot de bain en les agrémentant de quelques notes de guitare. Nos collègues américains, Kile Neumann à la guitare et harmonica et Pike Spector au banjo, nous ravissent par des sessions d’improvisation ponctuelle. Les machines de l’Akademik Treshnikov répondent en chœur à ces ballades sur fond de coucher de soleil.
Le souper sera servi à 19h30 et autour de 21h00 les étudiants se livrent soit à des travaux en laboratoire soit à des tournois d’échec ou de ping-pong. Nous avons le championnat de l’Atlantic Open en cours en ce moment! Les couchettes se remplissent plus ou moins tard selon l’intensité de la journée. Les lumières ne s’éteignent jamais complètement sur l’Akademik Treshnikov…..
Victorine Sentilhes,
journaliste embarquée avec l’ACE Maritime University.
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