By Eric Hoesli, EPFL professor
Par Eric Hoesli, professeur à l’EPFL
From the ship’s bridge, he can be heard quickly climbing the steps. Everyone is at their post when the captain arrives. Dmitri Karpenko – who is deferentially referred to on board by his patronymic, Dmitri Alexandrovich – occupies the cabin directly below the bridge. This allows him to pop in at any time, which he often does. He also enjoys the use of a large reception room, befitting his rank. In it, blue couches are arranged around a bronze bust of the great Russian geographer Alexei Treshnikov, after whom the ship was named. This stately room, meant for receptions or special meetings, is rarely used. The captain prefers the bridge just above. He steps in, at any hour of the day or night, nods to the watch officers, and remains for a while, silent, occasionally eyeing the distant icepack through his binoculars.
De la passerelle de commandement, on entend son pas qui gravit rapidement l’escalier. Tout le monde à son poste, voici le capitaine. Dimitri Karpenko, que l’on désigne à bord par son patronyme, Alexandrovitch – marque traditionnelle, en russe, du respect que l’on doit à un interlocuteur – habite la cabine située juste en-dessous du poste de pilotage. Cela lui permet de surgir à tout instant, et il ne s’en prive pas. A tout seigneur tout honneur, il dispose aussi d’un vaste salon aux canapés bleus dont le centre est occupé par un buste en bronze du grand géographe russe Alexei Treshnikov, dont le navire porte le nom. Ce salon d’apparat est destiné aux réceptions ou aux séances extraordinaires, mais le capitaine n’en fait guère usage. Sa place préférée est à la passerelle, juste au-dessus, où il pénètre à toute heure, de nuit comme de jour, saluant d’un hochement de tête ses officiers de quart et où il reste longtemps sans rien dire, lorgnant seulement de temps à autre aux jumelles l’horizon de la banquise.
At 51 years old, he’s the ship’s lone master, next to God at least, which we can say now that the USSR is a thing of the past. And master he is. In the crew’s dining room, nobody leaves the table after the four daily meals until Dmitri Alexandrovich gives the signal. And when the researchers’ sometimes unpredictable requests – such as to take another water profile from an ice-free oasis or do a quick helicopter trip to drill for a new core sample – collide with his subordinates’ concern for the weather and the shifting ice floes, he makes the call. He must exercise strict discipline over his crew – whose days are punctuated by moments of stress and tension – and is ultimately responsible for maintaining harmony on a ship that has been overrun by dozens of young researchers unaccustomed to the military way of doing things. When problems arise, he has the final word.
A 51 ans, il est le seul maître à bord. Depuis la fin de l’URSS, on peut ajouter: après Dieu. Et ce n’est pas un vain mot. Dans la salle à manger de l’équipage, à la fin des quatre repas quotidiens, personne ne quitte sa place avant que Dimitri Alexandrovitch n’en ait donné le signal. L’une de ses tâches importantes est d’arbitrer en dernier ressort entre les volontés, parfois changeantes, des scientifiques, qui se verraient bien dresser un profil supplémentaire des eaux dans une oasis épargnée par les glaces, ou faire un saut en hélicoptère pour un nouveau forage, et ses seconds chargés de surveiller la météo et l’état de la banquise mouvante. C’est lui aussi qui doit maintenir la discipline absolue d’un équipage qui a comme tous les autres ses moments de stress ou de spleen, et veiller en dernier ressort à la cohabitation harmonieuse avec des dizaines de jeunes chercheurs et chercheuses aux mœurs peu militaires, qui ont rapidement pris possession du bateau. En cas de friction, il n’est pas d’autre juge que lui.
This is his ship. When the Treshnikov was still in dry dock at the Saint Petersburg shipyard, Dmitri Alexandrovich was brought in to oversee the final months of construction and improve the marine engineers’ plans with his experienced eye. So he knows the ship like the back of his hand, and his pride is apparent when he talks about his boat. He began his career in the merchant marine, where he skippered oil tankers, timber ships and container ships all over the world. But in the end, he prefers the Arctic and Antarctic. “Every day, every mission, is different. We’re carrying researchers now, and their reasons for being here are very different from those of the crew. There’s never a dull moment,” he said.
Ce bateau, c’est le sien. Alors que le «Treshnikov» était encore dans les cales sèches du chantier naval de Saint-Pétersbourg, Dimitri Alexandrovitch a été appelé pour en diriger les derniers mois de construction et améliorer, en fonction de son expérience, les plans initiaux des ingénieurs de la navale. Il en connait donc les moindres recoins et sa fierté n’est pas feinte quand il décrit les mérites de son navire. Venu de la marine marchande, au sein de laquelle il a effectué le début de sa carrière, le capitaine a tâté des pétroliers, des transporteurs de bois, des porte-containers avec lesquels il a parcouru tous les océans. Au bout du compte, c’est bien l’Arctique et l’Antarctique qui ont gagné ses faveurs. «Chaque jour y est différent, chaque mission aussi, explique-t-il. Nos passagers sont des scientifiques dont les souhaits n’ont rien de commun avec ceux des marins, on est à l’abri de toute monotonie».
Here, home is but a distant thought. This mission to Antarctica for the Swiss Polar Institute means he won’t see his family for ten months. “Just four days in October during a stopover in Arkhangelsk, and a visit from my daughter when we were docked in Germany.” He smiles, and his gaze returns to the Southern Ocean. Perhaps he is thinking of his 17-year-old daughter running up to him on the dock.
Bien sûr, il y a l’éloignement. Une mission en Antarctique comme celle de l’Institut Polaire suisse, ce sont dix mois sans revoir sa famille. «Juste un intermède de quatre jours en octobre lors d’une escale à Arkhangelsk, et une visite de ma fille lorsque nous étions à quai en Allemagne». Le capitaine sourit, son regard se perd sur l’océan Austral. Il imagine peut-être sa fille de 17 ans courant vers lui sur le quai.