Brian Miller and his wife Elanor are on the Akademik Treshnikov to listen to the whales in the Southern Ocean. Bastien Confino (RTS) interviewed Brian, a researcher at the Australian Antarctic Division.
– Brian, we are standing on the helipad at the back of the ship as the helicopter prepares to go and drop a buoy in the water. Can you explain what’s happening?
That’s a sonar – an underwater listening device that transmits the sounds of the ocean back to the boat via a radio link. When we’re under way, we can drop them directly from the ship. But now, we’re stationary. So if we dropped the sonar from here, we’d really only hear the motor and propeller. By using the helicopter, we can drop the buoy a few miles away. At that distance we won’t hear the noise made by the boat, and we can listen to the ocean. We hope to pick up the sounds of mink whales, blue whales, fin whales and others.
– Are there a lot of whales here in the Mertz Glacier polynya?
We only picked up five whales yesterday. Most of them were outside the ice-free waters of the polynya, on the other side of the ice pack. But our system still records their calls. The ice changes the sound a little, but it still reaches our sonar. That lets us know their location in the area.
– The water here is almost -2°C. The whales don’t seem bothered.
That’s because they have a thick layer of insulating fat. But they don’t come to this area near the ice pack because it’s cold. They come because it’s full of krill, which is what they eat. That’s why they migrate here in the summer from tropical areas.
– Have you been studying whales for a long time?
I started 12 years ago, in 2005. My research focuses on the sounds given off by whales and on anthropic noise that can disturb marine mammals.
– Can you draw any conclusions about the disruptive sounds caused by humans?
Not yet. Studying whales is very difficult. They live in an environment that is completely unfamiliar to us, spending most of their time under water. We only catch sight of them when they surface, so we directly observe just a very small fraction of their behavior. Whales use sounds to communicate with each other and to search for prey. Their sense of hearing is thus critical. By listening to them, we can learn more about their underwater behavior, and this adds to what we are able to observe visually.
– What are your goals during your time with the ACE expedition?
Our aim is to record whale sounds along the expedition’s route through the subantarctic region. That’s why we’re dropping sonars into the water at regular intervals. This will enable us to map out the distribution of certain species. The ones we can hear at least. Our main focus during this expedition is the Antarctic blue whale. It’s the most interesting species to listen to, since you can hear it from hundreds and even thousands of miles away.
– How big are they?
Antarctic blue whales can be up to 32 meters long. It’s the largest animal that has ever lived on earth.
– Can you hear a lot of them?
Yes. We started detecting them when we crossed the Antarctic polar front. So far we have recorded more than 1,000 sounds made by Antarctic blue whales, although some sounds surely come from the same whale. They give off a very deep sound that is barely audible. The volume can reach 180 decibels. But volume under water is not necessarily comparable to volume in the air.
Researchers have been recording blue whales in Antarctica since the end of the 1990s. When they see one, they put their listening devices into the water to identify the sounds they make. Thanks to this library of sounds – I’ve listened to more than 100,000 such sounds – I have an excellent ear for them.
– Does your sonar system tell you which way the whales are heading, so that you can try to see them?
We did that on previous voyages. During this expedition, the sounds that we’ve heard from Antarctic blue whales and most of the other whales probably came from too far away for us to see them. Of course, that’s why our system is so useful – it lets us cover a much larger area than we could with our eyes alone.
– Have you noticed any changes in the population size of Antarctic blue whales?
The acoustic research we are doing on this expedition is part of the Antarctic Blue Whale Project. The aim is not just to develop new ways of observing this very rare species, but also to see whether the population is regenerating. It was nearly wiped out by industrial fishing. When it was made a protected species 50 years ago, we think that there were only 200 of them left. Now we’re trying to see if the numbers have returned to normal levels. This expedition might give us some clues.
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Brian Miller, l’homme qui sait écouter les baleines
Brian Miller et sa femme Elanor ont embarqué sur l’Akademik Treshnikov pour écouter les baleines de l’océan Austral. Rencontre avec Brian, chercheur à l’Australian Antarctic Division, par Bastien Confino (RTS).
– Brian Miller, nous sommes sur l’héliport à l’arrière du bateau, l’hélicoptère s’apprête à décoller pour larguer une balise dans l’océan, de quoi s’agit-il ?
C’est un sonar. Un système d’écoute sous-marine qui transmet les sons de l’océan vers le bateau via une liaison radio. Lorsque nous sommes en mouvement, nous les lançons depuis le navire. Actuellement, nous sommes en position stationnaire. Si nous déployons notre sonar ici, nous entendrons essentiellement le moteur et l’hélice. En utilisant l’hélicoptère, nous pouvons larguer notre balise à plusieurs kilomètres. Le bruit du bateau devient inaudible et nous pouvons écouter le son de l’océan. Nous espérons ainsi entendre des baleines à museau pointu, des baleines bleues, des rorquals communs, etc…
– Y’a-t-il beaucoup de baleines ici, dans la polynie du glacier Mertz (zone d’eau libre dans la banquise) ?
Hier nous n’avons observé que cinq baleines. La plupart d’entre elles était en dehors de la polynie, de l’autre côté de la banquise. Notre système permet malgré tout d’enregistrer leurs cris. La glace altère légèrement le son mais il parvient tout de même jusqu’à notre sonar. Nous pouvons ainsi connaître leur répartition dans la région.
– Ici, l’eau atteint presque les -2°C. Les baleines ne sont pas frileuses…
Elles possèdent une épaisse couche isolante faite de graisse. Elles apprécient ces eaux autour de la banquise non pas pour leur température mais parce qu’elles sont riches en krill, leur nourriture. Ainsi, l’été, elles migrent depuis les zones tropicales jusqu’ici.
– Vous étudiez ces baleines depuis longtemps?
J’ai commencé à les étudier en 2005. Ca fait 12 ans. Mon sujet de recherche se concentre sur les sons émis par les baleines ainsi que sur les bruits anthropiques qui pourraient perturber les populations de mammifères marins.
– Pouvez-vous tirez des conclusions sur ces perturbations sonores émises par l’homme?
Pas encore. C’est très difficile d’étudier les baleines. Elles vivent dans un environnement qui nous est parfaitement étranger. Elles passent la plupart de leur temps sous l’eau. A l’œil, nous ne pouvons les voir qu’en surface. Nous n’avons donc accès qu’à une toute petite fraction de leurs comportements. Entre elles les baleines utilisent des sons pour communiquer ou pour chercher leurs proies. L’ouïe est donc un sens primordial pour ces mammifères. En les écoutant, nous comprenons donc mieux leurs comportements sous l’eau, et pouvons compléter les observations visuelles.
– Quels sont vos objectifs lors de la mission ACE?
Pour nous, le but de ce projet est d’enregistrer les sons de baleines sur le trajet de l’expédition dans les zones subantarctiques. Nous déployons donc nos sonars à intervalles réguliers. Ainsi, nous sommes capables de cartographier la distribution de certaines espèces. Du moins, celles que nous pouvons entendre. Notre objectif principal durant cette mission est la baleine bleue d’Antarctique. C’est l’espèce la plus intéressante à écouter puisque nous pouvons l’entendre à des centaines, voire des milliers de kilomètres.
– Quelle est sa taille?
Les baleines bleues de l’Antarctique font jusqu’à 32m de long. C’est le plus grand animal qui n’ait jamais vécu sur terre.
– Vous en entendez beaucoup?
Oui. Nous avons commencé à les entendre dès le passage du front polaire antarctique. A ce jour, nous avons détecté plus de 1000 sons de baleine bleue d’Antarctique. Plusieurs ont sans doute la même origine. Elles émettent un son extrêmement grave, à la limite de l’audible. Ils atteignent 180 décibels. Cela dit, le volume dans l’eau n’est pas forcément comparable au volume dans l’air.
– Comment parvenez-vous à identifier que c’est une baleine bleue?
Depuis la fin des années 90, les scientifiques enregistrent les sons des baleines bleues en Antarctique. Lorsqu’ils voient des baleines bleues, ils mettent à l’eau des systèmes d’écoute pour identifier leur répertoire sonore. Grace à cette bibliothèque de sons et à force de les écouter (j’en ai écouté plus de 100 000), j’ai acquis une excellente oreille pour les reconnaître.
– Votre système de sonar vous permet de connaître la direction des baleines, parvenez-vous à les observer ensuite ?
Nous avons fait cela lors de précédents voyages. Dans la mission ACE, les sons que nous avons entendus des baleines bleues de l’Antarctique et de la plupart des autres baleines viennent probablement de trop loin pour que l’on puisse les voir. C’est justement l’avantage de notre système, il nous permet de surveiller une zone beaucoup plus grande qu’avec la vue.
– Observez-vous des changements dans les populations de baleine bleues d’Antarctique?
La recherche acoustique que nous effectuons sur cette mission s’intègre dans le projet « baleines bleues de l’Antarctique ». Le but de ce programme n’est pas uniquement de développer de nouvelles méthodes d’observation de cette espèce très rare, mais aussi d’analyser si la population se régénère. Elle s’est quasiment éteinte à l’époque de la pêche industrielle. Lorsqu’elle est devenue espèce protégée, il y a 50 ans, nous pensons qu’il ne restait que 200 spécimens. Aujourd’hui, nous essayons de savoir si la population redevient normale. Cette mission nous donnera peut-être quelques indices.